Débat : Le négrillon, le linguiste et l’académicien
4 décembre 2024 - Vie de la communautéL’Association des Sciences du Langage, qui représente environ 500 linguistes français et étrangers, revient sur les débats qui ont suivi la parution de la 9e édition du dictionnaire de l’Académie. Elle rappelle la complémentarité entre linguistes et académiciens, tout en soulignant que le dictionnaire de l’Académie, en dépit de la valeur symbolique qu’on lui accorde, n’est qu’un dictionnaire parmi d’autres.
En complément de ce texte, quelques liens externes permettant d’alimenter le débat :
- le communiqué de la Ligue des Droits de l’Homme à propos de la neuvième édition du dictionnaire de l’Académie
- un échange entre Julie Neveu (linguiste, membre du collectif Les linguistes atterré·es) et Antoine Compagnon (écrivain, membre de l’Académie française) sur France Inter (le Débat du 7-10) le 14 novembre 2024
- la réaction de Frédéric Vitoux, de l’Académie française, au communiqué de la LDH, dans le Figaro du 27 novembre
- l’émission Questions du soir sur France Culture le 21 novembre 2024, avec Barbara Cassin, Bernard Cerquiglini et Maria Candea
- une page du site web des Linguistes atterré·es qui regroupe l’ensemble des interventions médiatiques des membres du collectif à propos de ce débat
Le Congrès professionnel des linguistes
2 octobre 2024 - Actualités de l’associationLe premier Congrès professionnel des linguistes (CPL), organisé par l’ASL avec le soutien de l’UR STIH de Sorbonne-Université, s’est tenu du 4 au 6 juillet 2023. Près de 70 congressistes se sont retrouvé·es pendant trois jours au Creusot, autour d’un programme de conférences plénières et d’ateliers.
Les conférences (voir le détail ci-dessous) ont permis aux intervenant·es de présenter quelques domaines fondamentaux des sciences du langage, en montrant les outils et les données spécifiques que ces disciplines manipulent et les problématiques auxquelles elles se confrontent.
En complément des présentations plénières, les ateliers ont été l’occasion de réfléchir à quelques questions vives qui marquent la linguistique actuellement, aussi bien du point de vue des perspectives scientifiques que des attentes sociales voire professionnelles. On a ainsi débattu de :
– la linguistique dans les institutions et les entreprises (rhétorique et communication),
– l’analyse du discours (courants, écoles et mouvances),
– la linguistique face aux supports numériques (les réseaux sociaux comme corpus),
– les questions linguistiques clivantes dans la société contemporaine,
– la place de la linguistique dans les concours de l’enseignement,
pour ne citer que quelques exemples.
La rencontre s’est conclue par une assemblée générale extraordinaire de l’ASL.
Les conférences plénières ayant été enregistrées, il est possible de les (ré)entendre ici.
Philippe Blanchet pour la sociolinguistique
https://youtu.be/yhqhcyAjE10
Franck Neveu pour la syntaxe
https://youtu.be/FNT8NPqg3Yc
Dominique Maingueneau pour l’analyse du discours
https://youtu.be/K9fnl-KevAo
Jacques David pour la didactique du FLM
https://youtu.be/RBumUYDYuew
Marc Debono pour un état des lieux de la recherche en didactique des langues/didactique du FLE
https://youtu.be/KA0Di-rpKmk
Gilles Col pour la sémantique cognitive
https://youtu.be/1MXNGjVzKqg
Laurent Roussarie pour la sémantique formelle
https://youtu.be/VW3dSFZUOzQ
In memoriam Oswald Ducrot
5 septembre 2024 - In memoriamEn hommage à Oswald Ducrot, notre collègue Alfredo Lescano, enseignant-chercheur à l’université de Toulouse (UMR « Éducation, formation, travail, savoirs » / EFTS) a adressé à l’ASL ce très beau texte.
Oswald Ducrot nous a quittés il y a quelques jours. Nous sommes nombreux à perdre avec lui notre maître et notre ami. Mais encore plus nombreux sont ceux qui, partout dans le monde, l’ayant rencontré personnellement ou par leurs lectures, s’unissent aujourd’hui à nous pour reconnaître dans les théories qu’il a fondées, dans les concepts subtils et originaux qu’il a développés, ainsi que dans ses lectures éclairantes des auteurs fondamentaux des sciences du langage, des contributions capitales à la linguistique. Avec Oswald Ducrot nous perdons un faiseur de paradigmes, un observateur aigu, l’un des linguistes les plus éclairés de notre temps.
Oswald Ducrot fait partie de ces penseurs qui ont modelé des concepts qui nous aident à réfléchir, depuis quelques générations de linguistes, et cela au-delà des frontières, car ses ouvrages figurent parmi les plus grands classiques dans l’espace de la linguistique francophone, hispanophone et lusophone (et peut-être d’autres espaces linguistiques encore, mais je ne les connais pas assez). Les différentes théories que Ducrot a élaborées (seul ou en collaboration) apparaissent, depuis des décennies, comme des chapitres obligatoires de la sémantique, de la pragmatique, de la linguistique énonciative. Ses concepts et ses descriptions de détail sont depuis longtemps intégrés dans les travaux d’auteurs de tous bords. Dès que l’on s’intéresse au sens, la pensée ducrotienne est là pour nous venir en aide.
Oswald Ducrot nous a appris à mieux écouter ce que les mots nous disent d’eux-mêmes. Car pour lui, le langage, loin d’être l’expression d’une pensée que nous pourrions inspecter pour en découvrir le sens, loin de représenter un état du monde avec lequel on pourrait le comparer, tisse ses propres liens et échappe ainsi nécessairement à notre contrôle. Les discours qu’on prononce, qu’on écrit, sélectionnent des orientations, des connexions sémantiques déjà ouvertes par la langue, en produisent parfois d’autres. De sorte que parler, ce n’est pas communiquer, mais contraindre : l’interlocuteur est sommé d’admettre certaines connexions sémantiques au détriment d’autres. Il s’ensuit que, pour Ducrot, nous ne parlons pas en déployant des raisonnements, mais seulement en exploitant des liens sémantiques. Il a su montrer, de surcroît, de quelle façon les énoncés nous enferment dans des relations intersubjectives dont il est extrêmement ardu de s’extraire.
Il nous a semblé que l’on pourrait essayer de conjurer la tristesse que nous provoque la disparition d’Oswald Ducrot en évoquant quelques-unes des contributions qui l’ont rendu incontournable dans les sciences du langage.
Ducrot fait irruption dans la scène linguistique en travaillant simultanément sur plusieurs fronts. On sait par exemple combien son œuvre très personnelle de divulgateur a immédiatement marqué les esprits. Il suffit de penser à sa contribution à la question « Qu’est-ce que le structuralisme ? » que F. Wahl lançait à une poignée d’intellectuels en 1968 ; au Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage de 1972, co-écrit avec T. Todorov ; à son Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, avec J. M. Schaeffer, de 1995, tous devenus rapidement des ouvrages de référence au niveau international. C’est l’ensemble de la pensée linguistique qui s’y trouve remise à plat et expliquée comme seuls savent le faire ces philosophes qui réussissent à nous faire « voir avec » un concept.
Ses premiers travaux sont aussi reconnus grâce à son interprétation des speech acts, avec laquelle il a introduit une manière à la fois percutante et polémique de fonder une pragmatique linguistique, en la situant dans la tradition de la linguistique française. Les actes illocutoires de Ducrot n’ont pas de conditions de félicité, ils transforment ipso facto la situation « juridique » de la parole (ou mieux, prétendent la transformer) : l’acte interrogatif place immédiatement le destinataire dans l’alternative de s’y soumettre en répondant, ou de ne pas y répondre et de ce fait désavouer l’initiateur de la question. Ce qui est transformé, ici, c’est donc le droit de parler. Par ailleurs, Ducrot adoptait, à rebours des tendances de l’époque, une vision strictement conventionnaliste des actes de langage, qu’il voyait comme de purs faits de signification plutôt que comme le résultat d’une reconnaissance pragmatique des intentions du sujet parlant.
Ses premières recherches ont parallèlement consisté à mettre en place une critique érudite et systématique de l’idée selon laquelle la logique mathématique fournit des outils adéquats à la description sémantique des langues naturelles. Cet objectif, qu’il n’abandonna jamais, et dont il avait posé les bases dans La preuve et le dire (1973), était fondé sur l’idée que la langue a ses propres principes, ses propres règles, sa propre logique. C’est dans le dernier chapitre de ce livre (chapitre publié plus tard en tant qu’opuscule indépendant, Les échelles argumentatives) qu’est apparue la thématique devenue par la suite centrale dans ses travaux : la « scalarité » argumentative présente dès la signification des phrases, c’est-à-dire les valeurs argumentatives encodées dans la langue.
Mais le succès de ses premiers travaux repose plus encore, sans doute, sur sa description novatrice de la présupposition, principalement dans Dire et ne pas dire (1972). Participant grandement au prestige de ses séminaires à l’EHESS, elle est reprise et commentée par des linguistes de tous bords, devenant un classique de la pragmatique française. La présupposition ducrotienne, c’est avant tout le refus de la conception frégéenne, largement reprise par la sémantique d’inspiration analytique, d’après laquelle le présupposé impose des conditions pour qu’un énoncé puisse être employé avec une valeur logique (et ainsi être considéré comme vrai ou comme faux). Pour Ducrot, présupposer, c’est enfermer l’interlocuteur, par un coup de force, dans un cadre discursif dont il peinera à sortir, fixant ainsi « le prix à payer pour que la conversation puisse continuer ».
Plus tard, c’est avec Jean-Claude Anscombre qu’Oswald Ducrot fait de la scalarité un domaine privilégié pour mettre en lumière les difficultés de la sémantique formalisée par la logique à rendre compte de la signification linguistique. En multipliant les descriptions de phénomènes, leurs travaux insistent chaque fois plus sur la gravité de ces difficultés, jusqu’à pouvoir affirmer que la scalarité argumentative n’affecte pas seulement quelques éléments linguistiques, mais que la langue est, dans sa dimension sémantique, entièrement argumentative. La Théorie de l’argumentation dans la langue, que ces auteurs développent ensemble (principalement dans leur livre L’argumentation dans la langue de 1983, mais pour connaître la version la plus « radicale » de cette approche il faut lire leur article « Argumentativité et informativité » de 1986), est ouvertement iconoclaste (elle récuse le référentialisme, le logicisme, la vériconditionnalité) et définit un paradigme et un programme de recherche que l’on reconnaît maintenant sous la dénomination de « sémantique argumentative » : la signification lexicale comme le sens des énoncés sont toujours, et cela même dans leurs plus petites unités significatives, orientés. Plusieurs théories ont par la suite proposé des tentatives de concrétiser cette approche.
La première, la Théorie des topoï, d’Anscombre et Ducrot, affirme que tout énoncé se montre comme reposant sur au moins un garant admis de tous, un topos, qui relie deux échelles argumentatives, ce qui les amène à réfuter toute possibilité d’objectivité primitive dans le langage. Dans la critique qu’elle propose de la Théorie des topoï dans sa thèse de 1992, Marion Carel introduit la Théorie des blocs sémantiques, que Ducrot adopte peu à peu pendant les années 90 jusqu’à en devenir co-auteur dès 1999. D’autres tentatives théoriques ont proposé à la fois une vision spécifique de l’argumentation linguistique et des outils pour la description de la valeur argumentative des énoncés et du lexique : on pensera notamment à la Théorie des stéréotypes de Jean-Claude Anscombre, à la Sémantique des Possibles Argumentatifs d’Olga Galatanu, à la Sémantique des Points de Vue de Pierre-Yves Raccah. En jetant un coup d’œil au Carnet Hypothèses en Sémantique argumentative, nourri par les travaux des chercheurs travaillant à l’intérieur de ce champ dans une dizaine de pays, on se rend compte de la vitalité actuelle de ce paradigme.
En parallèle, Ducrot met en place son autre théorie phare : la Théorie de la polyphonie, qui répond à des questions, par certains côtés, complémentaires à celles de la sémantique argumentative. S’inspirant principalement d’une lecture critique de la théorie de Bally (lecture exposée in extenso au dernier chapitre de son ouvrage Logique, structure, énonciation de 1989), cette théorie constitue l’un des aspects les plus répandus et les plus polémiques du travail de Ducrot. Selon la Théorie de la polyphonie, développée contre un certain psychologisme (cette théorie « n’implique même pas l’hypothèse que l’énoncé est produit par un sujet parlant » écrit Ducrot), la langue encode un décentrement subjectif : loin d’exprimer nos pensées, les énoncés mettent en scène des dialogues – tout ce que l’on peut faire, à la limite, c’est de s’identifier à certains de leurs personnages. Ducrot a produit plusieurs versions de cette théorie : à celle présentée dans son introduction à l’ouvrage collectif Les mots du discours en 1980, ont succédé deux versions présentées respectivement dans les chapitres 7 et 8 de Le dire et le dit en 1984, suivies de quelques remaniements dans les années 90, jusqu’aux propositions ultérieures de relier, avec M. Carel, dans une approche englobante et cohérente, polyphonie et argumentation linguistiques – est alors apparue la Théorie argumentative de la polyphonie.
On a du mal à évaluer si c’est l’argumentation dans la langue ou la polyphonie linguistique qui a fait naître plus de commentaires, de critiques et de développements (on ne peut laisser de rappeler que depuis environ deux décennies la Théorie Scandinave de la polyphonie linguistique de K. Flottum, H. Nølke et C. Norén, s’attache à fournir une version plus outillée de la polyphonie de Ducrot ; qu’A. Rabatel, sur les bases de la polyphonie ducrotienne, développe sa prolifique perspective des « points de vue » ; que M. M. García Negroni et son équipe construisent leur « Enfoque dialógico de la argumentación y la polifonía » en prenant largement appui sur les théories de la polyphonie et des blocs sémantiques).
Point d’ancrage de ses apports théoriques, les descriptions que Ducrot a proposées de nombreux phénomènes linguistiques ont marqué la linguistique tout autant que ses concepts (pensons à ses descriptions de l’indéfini, de l’imparfait, de mais, de la paire peu / un peu, de même, de la négation syntaxique, de l’interrogation, de l’ordre, de l’interjection…). Il est indéniable qu’elles font partie de notre mémoire collective de sémanticiens, de pragmaticiens, mais aussi d’analystes du discours.
Platonicien, Ducrot disait que malgré la difficulté que nous éprouvons, en tant que linguistes, à sortir de la caverne, nous avons, a minima, le devoir d’éveiller le doute, de faire comprendre l’impossibilité d’accéder à la vérité à travers le langage, et, idéalement, de démonter les illusions dans lesquelles le langage participe à nous maintenir. Dans les temps troubles que nous vivons, sa présence nous manquera pour avancer dans cette tâche.
Alfredo M. Lescano
9ème Congrès Mondial de Linguistique Française
8 mai 2024 - ActualitésLieu du congrès :
Université de Lausanne, Suisse
1er-5 juillet 2024
Contact : cmlf2024@sciencesconf.org
Programme du CMLF 2024 Lausanne
Avis de parution "De l’héritage des savoirs à leur transmission en sciences du langage"
30 mars 2024 - Actualités de l’associationC’est avec plaisir que nous vous faisons part de la publication des actes du dernier colloque de l’Association des sciences du langage (ASL) : Charaudeau P., Monneret P., 2024, De l’héritage des savoirs à leur transmission en sciences du langage, Limoges, Lambert Lucas, 176 p.
http://www.lambert-lucas.com/livre/de-lheritage-des-savoirs-a-leur-transmission-en-sciences-du-langage/
Résumé.
En matière de savoirs et de connaissances scientifiques, le passé n’est jamais obsolète. L’histoire des sciences du langage en témoigne, et l’on sait bien que certains des questionnements de la recherche actuelle trouvent des réponses dans ce passé. Cet ouvrage rassemble les textes issus du colloque « De l’héritage des savoirs à leur transmission en sciences du langage » organisé par l’Association des Sciences du Langage le 27 novembre 2021 à l’Université Sorbonne Nouvelle. Il examine la façon dont les écrits et courants théoriques nés dans les années 1960-1990 sont repris et réinterrogés aujourd’hui.
Avec des textes de Catherine Fuchs, François Rastier, Dominique Maingueneau,
Jean-Michel Adam, Françoise Gadet, Henriette Walter, Malika Temmar, Mathieu Avanzi, Valérie Bonnet et Antoine Gautier.
Vous pouvez également retrouver les vidéos en ligne sur le site de la Sorbonne Nouvelle :
http://www.univ-paris3.fr/de-l-heritage-des-savoirs-a-leur-transmission-en-sciences-du-langage-colloque-bisannuel-de-l-asl-2021—718231.kjsp?RH=ACCUEIL
Comment peut-on (encore) s’opposer à une réforme de l’orthographe ?
11 février 2024 - Actualités de l’associationColloque ASL / STIH / LLF / 22 mars 2024
Salle Louis Liard, 17 rue de la Sorbonne, 75005 Paris
Entrée libre dans la limite des places disponibles et sous réserve d’une inscription avant le 19 mars sur ce formulaire :
https://forms.gle/5dYQrcnqNKjWLDkJ7
L’échec récurrent des tentatives de réforme de l’orthographe n’est pas une fatalité. Il est sans doute imputable, en premier lieu, à la récupération politique difficilement évitable de cette question, fondée, on le sait bien, sur le clivage entre modernistes et conservateurs, mais aussi à une hésitation portant sur les instances légitimes pour statuer sur les questions orthographiques : est-ce à l’Académie française, aux ministères, notamment celui de l’Education Nationale, aux programmes scolaires, aux éditeurs, aux linguistes, aux Français ou aux francophones, via ce qu’on appelle l’usage, d’en décider ? Et dans le doute, on ne change rien : finalement, bien que la langue française n’ait jamais cessé d’évoluer depuis son émergence parmi les langues romanes, un imaginaire persistant de fixité de cette langue demeure installé dans les consciences.
Deux aspects de cette question sont souvent négligés, qui seront au centre de ce colloque : la dimension argumentative d’une part, la dimension éducative d’autre part. S’il est essentiel, en premier lieu, de dépolitiser autant que possible la question de l’orthographe et de neutraliser les récupérations politiques, c’est parce que la question de l’orthographe mérite d’être prise en charge dans l’espace de la discussion rationnelle. Dans un tel cadre, il devient alors envisageable d’examiner posément les arguments de celles et ceux qui, par principe, s’opposent à toute réforme orthographique, quelle qu’en soit la nature ou la portée. Or l’examen révèle que ces arguments sont peu nombreux et qu’ils ne résistent guère à un examen fondé sur les connaissances stabilisées dont nous disposons sur le français et sur les processus linguistiques en général. On peut donc espérer que la situation actuelle pourrait être débloquée par une explicitation patiente des réponses à ces arguments, ce que ni les médias ni la sphère numérique ne permettent, en raison de la tendance à la polarisation des idées, donc à la simplification, qui les caractérise.
Mais s’il convient de mettre à l’épreuve les arguments de celles et ceux qui résistent à toute évolution de la langue écrite, il est tout autant nécessaire d’expliquer pourquoi une réforme de l’orthographe est jugée nécessaire, voire urgente, notamment par les linguistes et les professeurs de français, dans leur très grande majorité, en France et à l’étranger. Bien entendu, on pourra toujours prétendre que les vrais problèmes sont ailleurs. Cependant, nous ne manquons pas de raisons, aujourd’hui, de penser que l’objectif d’une bonne maitrise de la langue française à l’école passe par un apprentissage sérieux de la grammaire du français, désencombré de l’étude de certaines des irrégularités orthographiques qui affectent la langue française. A cet égard, le soutien des Ministères de l’Education Nationale et de la Culture est essentiel, et c’est l’un des objectifs de ce colloque que de sensibiliser l’Education Nationale à la mise en œuvre d’une réforme de l’orthographe, qui lui donnerait le moyen d’atteindre ses objectifs d’excellence en matière de maitrise du français, pour le plus grand nombre d’élèves. Il faut choisir : soit chérir toutes les « subtilités » du français, qui sont le plus souvent des scories léguées par les hasards de son évolution historique et que seule une petite partie de la population pourra maitriser (souvent moins bien qu’elle le croit, d’ailleurs), soit débloquer l’évolution du français, lui redonner la possibilité d’appartenir de nouveau à ce grand mouvement historique qu’il a toujours connu, comme toutes les langues, en direction d’une rationalisation de ses structures, et donner en même temps la chance à un plus grand nombre de locuteurs du français, en France ou ailleurs, de s’approprier pleinement cette langue et de contribuer à son rayonnement.
Toutefois, l’ASL ayant pour vocation de préserver un espace pour la discussion scientifique, ce colloque, bien qu’il soit clairement orienté en faveur de la réforme, accordera aussi une place aux arguments des linguistes qui demeurent hostiles ou très réservés à l’égard des réformes orthographiques.
Programme
9h30. Philippe Monneret, Malika Temmar, Marina Krylyschin (ASL) : introduction.
10h. Intervention de personnalités : avec notamment Marie Depleschin, François de Closets, Michel Ocelot, Viviane Youx (présidente de l’Association Française pour l’Enseignement du Français).
11h00. Gilles Siouffi : « "L’usage n’a pas suivi" : la place de l’argument de l’usage dans les débats sur l’orthographe ».
11h45. Anne Abeillé : « Est-il sacrilège de réformer l’orthographe grammaticale ? ».
12h30. Déjeuner
14h. Christophe Benzitoun : « "L’orthographe, c’était mieux avant" : état des lieux de la maitrise de l’orthographe hier et aujourd’hui ».
14h45. Anne Dister : « Les réformes orthographiques en Belgique francophone. Où il sera aussi question des consonnes doubles ».
15h30. Pause
16h. Table ronde et échanges avec le public : avec notamment Cynthia EID (présidente de la Fédération internationale des professeurs de français), Jean-Pierre Sueur, Martial Maynadier, Jean-Louis Chiss (Sorbonne Nouvelle), Jacques David (Cergy Paris Université), Dan Van Raemdonck (ULB), Patrick Charaudeau (Sorbonne Paris Nord).
17h30. Clôture du colloque.
Programme du colloque :
Propositions de l’Association des Sciences du Langage (ASL) pour l’épreuve écrite de langue française des CAPES de Lettres
11 février 2024 - Réforme du CAPESL’ASL a sollicité ses adhérents le 3 février pour une réflexion sur l’épreuve écrite de langue française aux CAPES de Lettres modernes et de Lettres Classiques, dans la perspective de la réforme en cours des concours d’accès à l’enseignement. Un groupe de travail s’est réuni et a émis une proposition de maquette de cette épreuve, sous la forme de deux exemples de sujets. Cette proposition est fondée sur les principes suivants :
– Compte tenu du fait que les candidats doivent être en mesure de se présenter au concours en fin de Licence 3, le programme retenu doit être compatible avec le contenu des Licences littéraires, ce qui exclut les questions de didactique. L’épreuve est donc concentrée sur les connaissances relatives à la langue française.
– Selon la note de service n° 2018-050 du 25-04-2018 (BOEN spécial, n° 3 - 26 avril 2018 « Enseignement de la grammaire et du vocabulaire : un enjeu majeur pour la maîtrise de la langue française »), tout enseignant de lettres doit proposer, dans des séances dédiées, un enseignement régulier de la grammaire française au sens large (incluant la morphologie, la syntaxe, la sémantique, l’orthographe) ainsi qu’un enseignement portant sur le vocabulaire. Il semble donc nécessaire de s’assurer que les futurs professeurs maitrisent convenablement l’ensemble de ces connaissances.
– Une connaissance convenable des structures de la langue française exige un minimum de mise en perspective historique. Les candidats doivent être non seulement en mesure d’analyser les formes grammaticales du français dans des textes récents, mais ils doivent aussi être capables de les situer dans l’histoire de la langue française et connaitre les principaux traits linguistiques qui différencient la langue aisément accessible des XIXe-XXIe siècles de la langue des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles.
– Enfin, les connaissances grammaticales doivent pouvoir être mises en œuvre pour l’analyse des textes littéraires.
– L’épreuve comporte en conséquence quatre parties :
o Une partie « grammaire » qui propose d’abord, à partir d’un texte, l’étude d’un ensemble d’occurrences appartenant à une catégorie grammaticale au programme des collèges et des lycées. Cette étude est proposée à partir d’un texte du XVIIIe, du XIXe, du XXe ou du XXIe siècle. La partie « grammaire » demande ensuite une mise en perspective historique de la même catégorie (ou d’une catégorie apparentée), à partir de quelques extraits de textes qui vont du Moyen Âge au XVIIe siècle.
o Une partie « lexique », qui consiste en l’étude de deux mots sur les plans de la morphologie lexicale, de la polysémie en langue et de la polysémie contextuelle. L’un des mots est choisi dans le texte récent (XIXe-XXIe), l’autre dans l’un des extraits de texte appartenant à des états de langue plus anciens (Moyen Âge au XVIIe siècle).
o Une partie « orthographe », qui vise à l’examen de la réalisation graphique d’une séquence phonologique à partir d’un bref extrait du texte proposé dans la première question. Le candidat est invité à commenter les correspondances entre graphèmes et phonèmes, ce qui suppose non seulement une connaissance de la phonologie du français mais aussi une connaissance des grands principes de l’écriture du français.
o Une partie stylistique, qui ne constitue pas un commentaire stylistique traditionnel, mais un axe d’analyse stylistique d’un texte (le même que celui sur lequel porte la première question de grammaire) à partir de l’observation de faits de langue précis. Cette forme nouvelle de l’épreuve de stylistique vise d’une part à éviter l’exercice trop difficile du commentaire stylistique complet mais aussi à éviter que ce commentaire prenne la forme d’une analyse littéraire sans véritable dimension stylistique. L’expérience des jurys de concours montre que, sous sa forme traditionnelle, cet exercice provoque trop souvent l’échec des étudiants et que, bien souvent, le commentaire stylistique dérive vers un relevé formel ou un commentaire littéraire.
Proposition de sujet n° 1 [1]
Proposition de sujet n° 2 [2]
La linguistique s’invite dans la presse
29 juin 2023 - Vie de la communautéLe français va très bien, merci
« Nous, linguistes, sommes proprement atterrées par l’ampleur de la diffusion d’idées fausses sur la langue française, par l’absence trop courante, dans les programmes scolaires comme dans l’espace médiatique, de référence aux acquis les plus élémentaires de notre discipline. L’accumulation de déclarations catastrophistes sur l’état actuel de notre langue a fini par empêcher de comprendre son immense vitalité, sa fascinante et perpétuelle faculté à s’adapter au changement, et même par empêcher de croire à son avenir ! Il y a urgence à y répondre. »
POUR LIRE PLUS :
https://www.tract-linguistes.org/
« Le français ne va pas si bien, hélas »
« Dans Les linguistes atterrées. Le français va très bien, merci, un texte publié chez Gallimard (collection « Tracts »), un collectif d’auteurs et de professeurs affirment notamment que « le français n’existe pas » et attaquent l’Académie française. Jean Pruvost, linguiste et professeur émérite, leur répond dans une tribune cosignée par une vingtaine de spécialistes et amoureux du français. »
POUR LIRE PLUS :
https://www.lefigaro.fr/langue-fran...
Pourquoi est-il si difficile de s’entendre sur l’état de la langue française ?
« Les linguistes gagneraient à revoir quelques complexités orthographiques parfois aberrantes et inutiles pour favoriser la mobilité sociale, mais ils doivent se repositionner sous peine d’être écartelés entre psychologie cognitive, informatique et IA, pointe le professeur Philippe Monneret. »
POUR LIRE PLUS :
https://www.liberation.fr/idees-et-...
Lien vers le site du Congrès Professionnel des Linguistes - 4-6 juillet 2023
25 juin 2023 - Actualités de l’associationChers collègues, chères collègues,
Nous avons le plaisir de vous communiquer le site internet du Congrès Professionnel des Linguistes : https://cpl1.sciencesconf.org/
Il fournit tous les éléments nécessaires pour l’accès au lieu du Congrès, rappelle le programme (qui a été légèrement modifié), donne la liste des participants et propose enfin des pistes de réflexion pour votre participation aux ateliers.
Ce site accueillera aussi les archives du colloque (enregistrements, synthèses des ateliers, etc.)
Convocation Assemblée Générale Ordinaire - Jeudi 6 juillet 2023 à 12H
18 juin 2023 - Actualités de l’associationCONVOCATION
Chère collègue, cher collègue,
Vous êtes convié(e) à l’Assemblée Générale Ordinaire de l’Association des Sciences du Langage qui se réunira au Creusot :
Ordre du jour :
– Informations issues du congrès des linguistes de l’ASL du 4 au 6 juillet 2023
– Questions diverses
Dans l’attente du plaisir de vous retrouver,
convocation_ag_6_juillet_2023-1_-_copie.pdf (PDF - 184.6 kio) |